Arts visuels

(Fr) Interview avec Hao Zhenhan

(Fr)

Interview avec Hao Zhenhan, lauréat de résidence “Métiers d’art” en France en partenariat avec le Mobilier national

Faguowenhua : Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours en quelques lignes ?

Hao Zhenhan :

Je m’appelle Hao Zhenhan, je vis et travaille actuellement à Jingdezhen. J’ai étudié le design industriel à l’Académie centrale des Beaux-Arts de Pékin (CAFA), puis j’ai poursuivi mes études en Product Design (design et conception de produits) au Royal College of Art au Royaume-Uni. Pendant cette période en Angleterre, ma réflexion et ma pratique du design se sont progressivement détachées du « design centré sur l’humain » pour davantage se tourner vers le « design spéculatif », les études culturelles et la création artistique.

Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai travaillé pendant deux ans dans le conseil en marketing, ce qui m’a permis de mieux comprendre les pratiques de consommation et le marché. En 2016, j’ai quitté Shanghai pour aller travailler à Jingdezhen, où je me consacre depuis ce temps pleinement à la création artistique.

 

 

Faguowenhua : Quel a été votre projet de recherche artistique au Mobilier national ?

Comment avez-vous abordé votre sujet lors de votre résidence ?

 

Hao Zhenhan :

Ma pratique artistique s’est toujours axée sur les histoires cachées, les individus oubliés de l’histoire et les souvenirs personnels, en cherchant à établir des liens et à exprimer ces éléments de manière poétique.

Inspiré par les manufactures des Gobelins et de Sèvres, j’ai centré ma recherche sur le thème du « fil ». À travers le fil, j’ai souhaité découvrir davantage d’histoires méconnues de l’artisanat français, une partie intégrante de la culture française. J’ai pris de la laine française et des fils de laine démodés ou abandonnés par les artisans des Gobelins comme matériaux et métaphores pour exprimer les travaux de différents artisans. J’ai aussi utilisé des textiles provenant de chaises anciennes, de la poussière de tapis fabriqués sous Louis XIV, ainsi que des objets d’art décoratif cassés provenant de Sèvres. Ces matériaux en apparence inutiles et inutilisables ont alors pris une valeur significative, tant ils renfermaient des souvenirs personnels cachés sous les trésors dans les musées et les palais, témoignant de la créativité éblouissante tout comme des échecs des artisans. En liant tous ces fragments ensemble et en les cuisant à la manière d’une céramique, j’ai souhaité créé un sanctuaire éternel qui dévoile les histoires insoupçonnées de la culture artisanale.

 

 

 

Faguowenhua : Vous avez pu découvrir différents lieux dédiés aux métiers d’art à Paris mais aussi aux quatre coins de la France. Comment avez-vous été inspiré par les métiers d’art et les manufactures françaises ? Y’a-t-il des lieux, des métiers d’art ou des techniques en particulier qui ont résonné avec votre pratique ?

 

Hao Zhenhan :

Cette résidence a été très enrichissante. La Manufacture de Sèvres, en tant qu’importante manufacture nationale de céramique en France, préserve les techniques et traditions de la céramique française, dont beaucoup dépendent largement du travail manuel plutôt que des technologies modernes, et nécessitent un long apprentissage et une persévérance des artisans. C’est ainsi que Sèvres parvient à transmettre ses techniques traditionnelles centenaires. À la Manufacture des Gobelins et à la Manufacture de dentelle d’Alençon et du Puy-en-Velay, les méthodes de travail se sont progressivement éloignées des techniques artisanales traditionnelles, se mettant davantage au service de la réinterprétation et de l’expression artistique des artisans. Qu’il s’agisse du tissage de tapisseries ou de la fabrication de dentelles, ils choisissent des techniques étonnamment complexes.

 

 

 

Faguowenhua : Votre travail est notamment dirigé vers les matériaux ordinaires ainsi que les artisans de l’ombre. Quelles ont été les rencontres qui vous ont marquées en France ?

 

Hao Zhehan : 

Cette expérience a été très particulière, car ce n’est pas une personne en particulier, mais de nombreux artisans travaillant au Mobilier National et ses manufactures des quatre coins de la France qui m’ont impressionné. La plupart de ces personnes sont toujours enthousiastes et passionnées lorsqu’elles parlent de leur travail, même après plusieurs décennies de carrière.

 

 

Faguowenhua : Quels sont les liens et les similarités que vous avez identifiés entre les métiers d’art français et chinois ? Avez-vous remarqué des pratiques qui se ressemblent ou se complètent ?

 

Hao Zhenhan :

Les artisans français sont très sensibles aux matériaux, et à un certain niveau, le travail des matériaux ne peut se faire que manuellement, il est impossible d’être remplacé par une machine. À cet égard, la sensibilité et le traitement des artisans envers les matériaux est similaire dans les deux pays.

Cependant, j’ai constaté que la relation des artisans avec leurs outils diffère. De nombreux artisans chinois considèrent leurs outils comme une extension de leur corps, mais la durabilité et la transmission des outils ne sont pas des priorités. Ils renouvellent souvent leurs outils et les modifient de manière très personnelle.

 

Faguowenhua : Comment allez-vous faire fructifier cette résidence française en Chine?

 

Hao Zhenhan :

J’ai rapporté beaucoup de matériaux des Gobelins et je vais les utiliser pour réaliser une série d’expérimentation et de créations, en espérant aboutir à de nouvelles œuvres.

 

(Fr) Date de publication: 26 July 2024