Joyce Jonathan ne cache pas que son troisième album est en partie autobiographique. En partie seulement, parce que, à partir de sa vie, elle part en exploration de sentiments et d’expériences que traversent aussi sesamis, ses proches et nous tous.
Mais, dans le livret de son nouvel album, elle a daté chaque chanson du jour où elle a surgi. Les premières datent de février 2014 et les dernières de juillet 2015. « Ce n’est pas un journal intime, mais plutôt un journal de bord. Ou un journal de sentiments », précise- t-elle.
Douze chansons dessinent le récitd’une rupture, du choc à la guérison, en passant par toutes les étapes que chacun connaît. Car c’est peut-être ce qui distingue le plus Joyce Jonathan de quelques-uns de ses grands aînés : elle sait qu’elle n’en mourra pas, elle ne se regarde pas couler pas à pic, elle ne se laisse pas hypnotiser par les grandes phrases de douleur. Au contraire, elle explore ses sentiments avec une précision et une honnêteté impeccables – la souffrance, la rancune, l’espoir, la résilience, le rebond, l’oubli... « Je suis passée par toutes les phases de la rupture, se sentirusée, idiote, pas respectée puis incapable de respecter, sentir la fierté qui prend le dessus... »
Alors tout est vrai quand, dans le single qui a annoncé la sortie de l’album, elle chante : « Le bonheur c'est pas le but mais le moyen / Le bonheur c'est pas la chute, mais le chemin». Une sorte de mantra du jour, au début de l’été 2015, qui lui est venu comme toutes ses chansons, « toujours écrites dans l’extrême ; juste avant, je dois aller très bien ou très mal. »
Paroles et musique surgissent de tempêtes émotionnelles, comme Je plonge qui s’écrit et se compose sans guitareni piano pendant un vol long-courrier, pour dire qu’il faut s’arracher au cycle de la destruction et de la reconstruction lié aux addictions : « Écoute ton corps / Ne lui fais pas de tort / Quand tout est calme / Parfois on se repose ». Ou encore ces sentiments ambigus mais si justes de Sans toi : « Ça me rend triste d'être heureuse / Je sais que ça n’se dit pas / Ça me rend triste d'être heureuse sans toi ». Ou l’auto boost de Je me jette à l’eau, la dernière chanson écrite pour l’album : « Ça y est j'me jette à l'eau / Le regard, vers le haut / Pour y croire à nouveau / Je repars / Oh, j'me jette à l'eau »...
Cà et là, elle a collaboré, pour polir les textes ou pour les compositions, avec Jérémie Kisling, Edgar Ficat, Tom Grafin, Renaud Rebillot, Fabien Nataf et Ycare. Et elle a vécu des moments idylliques avec Vianney, son récent « coup de foudre amical ». A deux, ils ont écrit, composé et chanté avec Les Filles d’aujourd’hui, chanson commencée « au retour d’un week-end pendant lequel j’avaisdit non à un garçon. La terminer avec Vianney a été un moment idyllique. » On le devine immédiatement, tant elle avoue et révèle à la fois d’elle-même et, effectivement, des filles d’aujourd’hui :« Elles sont énervantes les filles d'aujourd'hui / Et malheureusement j'en fais partie / Elles sont trop hésitantes les filles d'aujourd'hui / Elles ne savent pas ce qu'elles veulent, elles ne savent pas dire oui ».
Le paradoxe de Joyce est là, « pudique dans la vie de tous les jours mais pas dans les chansons ». À la réalisation de l’album, Antoine Gaillet et Sirius lui ont façonné un écrin qui lui ressemble, à la fois franc du collier et secret, vif et sentimental... L’album tire son titre d’une chanson de déshérence du cœur et, tout naturellement, elle fait de ces quelques tristes mots un manifeste d’énergie vitale et d’élan du cœur. Oui, il y a une belle place pour elle; une place singulière, radieuse, limpide. Chaleureuse.
Et elle sait que cette place est vaste. Car après la France, Joyce Jonathan va poursuivre son aventure en Chine avec la sortie là-bas d’Une place pour moi au printemps, avec plusieurs chansons adaptées en mandarin. Sa maîtrise de la langue est un avantage décisif sur le territoire le plus vaste et le plus fermé du monde, où seuls dix albums étrangers sont autorisés chaque année. Elle y retrouvera les shows télévisés à 300 millions de spectateurs, l’enthousiasme des concerts, l’amour effréné d’une France romantique...
Cela aussi ressemble à jeune femme brune au regard profond : ne pas cesser d’aller loin, dans l’espace comme dans le sentiment, dans le chant comme dans la carrière, dans un cœur aimant comme dans le paysage de la chanson en France. Inventer, trouver, investir sa place; une place pour elle.
(Fr) Date de publication: 20 May 2016