(Fr) « Plus l’univers se standardise, plus la singularité m’intéresse.» Claude Sautet
Dans chacun de ses films Claude Sautet ne cherche pas le réalisme mais plutôt une forme d’authenticité, il veut que le texte soit précis à la virgule près, que le ton soit juste et les silences millimétrés à la seconde. Il exige de ses comédiens la même rigueur dans l’interprétation que celle qu’il a mise dans l’écriture. On disait de lui qu’il était un grand directeur d’acteurs, ce qui lui a permis de créer et d’entretenir de véritables amitiés avec ses comédiens : Romy Schneider, Lino Ventura, Michel Piccoli, Yves Montant et plus tard Emmanuelle Béart. Michel Piccoli a été le compagnon de route de Claude Sautet sur trois longs-métrages qui comptent parmi les plus célèbres du réalisateur : Max et les ferrailleurs bien-sûr, mais également Les choses de la vie et Vincent, François, Paul et les autres… On peut même dire quatre puisque c’est la voix off de Michel Piccoli qui accompagne César et Rosalie.
« Ma vraie nature ne m’intéresse pas. Je ne fais pas ce métier comme une psychanalyse qui pourrait m’aider à vivre. Je ne suis pas un comédien introverti qui se décharge de ses complexes en étant lui-même ou en étant un autre. Non, je suis un acteur caméléon prêt à disséquer ou à montrer tous les caractères possibles et imaginables.» Michel Piccoli
Michel Piccoli est mort le 12 mai 2020. C’est un grand acteur français qui a quitté la scène l’année dernière à l’âge de 94 ans et l’Institut français a choisi de rendre hommage à son talent. Etalée sur 7 décennies, sa filmographie donne le vertige. Après des débuts remarqués au théâtre, Michel Piccoli a cultivé tous les champs de la cinématographie sans jamais cesser de se réinventer. C’est moins la volonté de brouiller les pistes que la peur de se répéter qui semblait guider ses choix. Et l’audace. Son prodige aura été d’atteindre une si grande popularité sans faire aucune concession. Il se sera délecté à incarner les personnages antipathiques (Mado, Claude Sautet, 1976), énigmatiques (Un homme de trop, Costa-Gavras, 1967), ambigus (Le Saut dans le vide, Marco Bellochio, 1980, Prix d’interprétation au Festival de Cannes). Il aura joué les mégalomanes (Le Sucre, Jacques Rouffio, 1978), les cyniques (Le Prix du danger, Yves Boisset, 1983), collectionné les salauds, les tordus, les magouilleurs sans que son image n’en soit jamais écornée. Il a également tourné sous la direction de Jean-Luc Godard (Le Mépris), d’Agnès Varda (Les Créatures), de Jacques Demy (Une chambre en ville), de Luis Bunuel (La mort en ce jardin), de Nanni Moretti (Habemus Papam) … On ne peut citer tous les grands réalisateurs et metteurs en scène qui l’ont dirigé tant ils sont nombreux.
Dans la vie de Sautet, ce sont les rencontres qui sont déterminantes comme celle avec Michel Piccoli. Mais tout a commencé avec Lino Ventura qui lui permettra de réaliser son premier long-métrage officiel Classe tous risques (1960) puis L’Arme à gauche (1965).
Après l’échec de ce deuxième film, Claude Sautet quitte la caméra pour se consacrer à l’écriture de scénario. François Truffaut le surnomme alors « le ressemeleur de scénarios », il travaille avec des réalisateurs de premier plan comme Jean-Paul Rappeneau, Alain Cavalier ou encore Philippe de Broca. C’est alors qu’il fait la connaissance du scénariste Jean-Loup Dabadie, ce qui va opérer le deuxième grand tournant de sa carrière et lui permettre de retourner à la mise en scène. Ensemble, ils écriront 6 films, 6 drames psychologiques qui firent la célébrité de Claude Sautet : Les choses de la vie, Max et les ferrailleurs, César et Rosalie, Vincent, François, Paul et les autres…, Une histoire simple et Garçon !.
Max et les ferrailleurs est également une porte d’entrée toute choisie pour découvrir des chefs d’œuvre du film noir français des années 60. Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot, Les Yeux sans visage de Georges Franju, Bob le flambeur de Jean-Pierre Melville, Plein Soleil de René Clément et Le Trou de Jacques Becker permettent une plongée dans le film noir ; genre qui voit le jour en France dans les années 30 et dont la tradition ne s’est jamais perdue depuis.
L’expression « film noir » apparait en 1946 sous la plume du critique français, Nino Frank, dans un article de L’Écran Français, où il constate des points communs entre quatre films américains dont l’enjeu est le crime tournés entre 1941 et 1944, et qui venaient de sortir en France, à savoir Le Faucon maltais de John Huston, Assurance sur la mort de Billy Wilder, Laura d’Otto Preminger et Adieu, ma belle d’Edward Dmytryk. Le terme avait néanmoins déjà été utilisé avant la Seconde Guerre mondiale pour désigner un ensemble de films français appartenant au réalisme poétique sous la direction, notamment, de Jean Vigo, Jean Renoir, René Clair ou Julien Duvivier.
Le film noir met généralement en scène un personnage emprisonné dans des situations qui ne sont pas de son fait et acculé à des décisions désespérées. Le meurtre ou le crime, l’infidélité, la trahison, la jalousie et le fatalisme en sont des thèmes privilégiés.
Cependant, loin d’imiter son homologue américain, le film noir français a des caractéristiques bien à lui, ce genre se démarque par sa diversité, sa richesse et son originalité tout en traduisant les inquiétudes de la société française de l’époque.
(Fr) Date de publication: 3 April 2021