Jérémy Griffaud, artiste français participant à l’exposition de nouveaux médias franco-chinois « Dissolution du temps, archéologie pour le futur »
Jérémy Griffaud est un jeune artiste diplômé du Pavillon Bosio (Ecole Supérieure d’Arts Plastiques de la Ville de Monaco) en 2017. Il peint des aquarelles d’un mode imaginaire qu’il numérise puis anime par ordinateur. Ces animations sont visibles sous la forme de films, mais aussi en réalité virtuelle ou sous la forme d’installations vidéo immersives. Il emmène le spectateur pour lui faire partager sa fascination des mondes parallèles colorés et hypnotiques, tout en révélant les problématiques de notre temps. Son court métrage a été projeté plus d’une centaine de fois dans une trentaine de pays, y compris en Chine (au Musée des Beaux-Arts de Shenzhen), en Pologne (au Pavillon des Quatre Dômes à Wrocław), en Norvège (à Bærum) ou encore en Malaisie (à Penang).
Certaines de vos œuvres possèdent un style aquarelle, pourquoi ce choix de proposition ? Et quel est son apport dans sa relation avec le numérique ?
Au fil de mes réalisations, j’ai cherché des moyens de rendre mes dessins vivants. J’ai commencé par les animer dans le cadre de court-métrages. Peu à peu, j’ai eu envie de faire entrer le spectateur dans mes œuvres, j’ai alors commencé à travailler sur des dispositifs d’installations immersifs. Aujourd’hui, mes recherches m’ont amené vers les moteurs de jeu vidéo, qui m’ont permis d’interagir avec mes dessins. Pour moi ce sont deux opposés, deux processus créatifs différents. L’aquarelle se caractérise par une certaine spontanéité, une surprise, et sa transparence confère aux couleurs un aspect lumineux et pur. Elle permet à la fois la subtilité et la liberté, un flou dans les contours et des transitions tonales douces et naturelles. L’aquarelle est vivante, elle palpite, captant l’énergie de la nature de la vie. Je réalise mes dessins sans croquis préparatoire, en laissant glisser le pinceau sur la page blanche, parfois de manière quasi automatique. Il s’agit presque d’un protocole qui vise à découvrir de nouvelles sensations et de nouvelles formes. La phase de création numérique est différente, plus longue, la précision d’exécution des tâches est plus importante, plus contrôlée. Malgré tout, je réalise de plus en plus souvent des modèles 3D, qui prolongent mes peintures et je les colorise avec des textures que j’ai préalablement peintes. Pour moi, il s’agit de pénétrer dans le déploiement des pigments, pour que le spectateur ait la sensation de traverser physiquement l‘univers auquel je donne vie.
Comment avez-vous imaginé cette exposition en Chine ? Y a-t-il eu des particularités que vous avez pris en compte ?
Mon installation Contre-Nature a été conçue pour s’adapter à tous les espaces. Il s’agit d’un écran de 14 mètres de long, capable de se plier en plusieurs sections. Mon objectif est de faire en sorte que lorsque le visiteur pénètre dans la salle et soit d‘abord confronté à un grand écran, puis au cours de sa déambulation, il se retrouve plongé dans le panorama des paysages animés, pour finalement contourner l’œuvre et découvrir l’envers de la projection immersive où apparaissent les ombres des spectateurs mélangés à la vidéo.
Concernant la réalité virtuelle, comment appréhendez vous l’expérience du public concernant vos œuvres ? Sachant qu’il est non seulement spectateur mais aussi acteur de vos créactions VR.
Je développe actuellement The Garden, une installation immersive et interactive qui associe moteur jeu, réalité virtuelle et vidéo mapping immersif. Le spectateur s’installe au centre de l’espace. Il contrôle, malgré lui, en jouant dans le casque VR, la projection mapping qui tapisse les murs de la salle d’exposition. Sans cette implication d’un spectateur/acteur, l’expérience collective reste sur pause. C’est également le cas dans mon installation Enlarge Yourself : si le spectateur ne s’implique pas physiquement sur le rameur, l’image reste en pause. Il s’agit de créer un dialogue entre le spectateur et l’œuvre qui prendra vie lorsque celui-ci sera actif. Dans le cas de The Garden, l’interactivité constitue en elle-même une strate d’écriture qui vient s’additionner aux autres. Dans cette expérience, le spectateur entretient un rapport de contrôle synthétique et technologique envers les végétaux. Cette expérience subjective lui permet d’incarner cette civilisation qui domine l’ensemble du vivant. Il a le droit de vie et de mort sur ces créatures.
Vous faites souvent écho à la relation entre l’Homme et la Nature. En quoi ce sujet vous semble important ? Et qu’est-ce que ce lien vous inspire dans nos sociétés contemporaines ?
Le rapport que nous entretenons avec le vivant est une de mes préoccupations principales lorsque je développe mes œuvres. Mes questionnements portent sur les directions possibles que peuvent prendre nos sociétés à travers des intrigues imaginaires et fantastiques. J’essaie d’accompagner, de proposer au spectateur des rencontres avec d’autres formes de vie. Je suis influencé par l’actualité scientifique, écologique et la science-fiction. J’essaie de remettre en cause la place que l’Homme occupe sur Terre et même au-delà. L’urgence de la préservation des équilibres dans la biodiversité m’amène à explorer des scénarios où la nature se révolte, résiste, reprend ses droits face aux êtres humains.
Pour plus d’informations sur l’exposition de nouveaux médias franco-chinois « Dissolution du temps, archéologie pour le futur » :
Dissolution du temps, archéologie du futur
Date de publication: 15 mai 2024