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Du 1er octobre 2021 au 3 janvier 2022, le He Art Museum, situé au district de Shunde (Guangdong), présente l’exposition Bernar Venet : Another Language for Painting. Il s’agit de la première grande exposition solo de ce célèbre artiste contemporain français en Chine.
La sculpture en acier de Bernar Venet, Trois Lignes indéterminées, présentée comme une installation extérieure dans le jardin de la Mezzanine du musée, avec ses lignes fortes et puissantes et sa texture métallique rugueuse, semblent ouvrir un espace traversable et hétérogène. Autour de ses sculptures en acier emblématiques et de son langage mathématique unique, l’exposition présentera une vue d’ensemble de la pratique artistique de l’artiste des années 1960 à nos jours.
La création de Bernar Venet s’est toujours concentrée sur la manière d’utiliser les symboles et les diagrammes mathématiques, pour dissoudre la nature métaphorique et polysémique habituelle de l’art. L’artiste s’efforce d’effacer la présence du sujet de manière rationnelle, en libérant l’art des hypothèses subjectives et pour s’attarder sur la logique mathématique elle-même telle qu’elle est présentée dans l’image.
Mathématiques, modèles, formules, symboles, diagrammes – voilà des mots qu’il semble difficile à associer à l’art. Mais ces éléments, symboles de rationalité et de fonction, sont la matière même des créations de Bernar Venet, voire leur finalité.
Depuis les années 1950 du 20ème siècle, les innovations en matière de philosophie, de linguistique et de théorie culturelle ont stimulé de nouvelles expériences artistiques, poussant l’art moderne à s’affranchir des contraintes esthétiques et à se tourner vers l’art conceptuel. L’adjectif « conceptuel » implique à la fois l’abstraction et la pensée, et l’existence d’un sujet. En conséquence, le sens de l’art s’éloigne progressivement de l’œuvre elle-même, du regard esthétique, et devient dépendant des idées ou des émotions portées par l’œuvre, qui sont souvent personnelles et métaphoriques. Lorsque les médias traditionnels et l’analyse formelle ne sont plus opérants, la spéculation et l’interprétation des idées deviennent le seul moyen d’entrer dans l’art.
« Aller à l’interprétation, c’est appauvrir le monde, l’assécher – afin de construire un autre monde fantôme de « sens ». Expliquer, c’est convertir le monde en ce monde (« ce monde » ! Comme s’il y avait un autre monde). »
En 1963, Susan Sontag, critique d’art, écrit à propos des conséquences de la surinterprétation dans la sonanthologie Against Interpretation : « cela correspond à une autre pratique initiée par les minimalistes dans les années 1960 : « ils ont cessé de donner aux œuvres et aux matériaux une signification symbolique, rejeté les métaphores psychologiques et sorti le sens de l’art du langage de l’individu pour trouver un langage universel dans l’espace public, afin de révéler le pourquoi de tout. »
Bernar Venet partage ce point de vue, estimant que l’expression purement personnelle ne contribue pas au monde réel. Car si l’art n’est qu’au bout du compte une expression individuelle, alors il ne s’agira le plus souvent que d’exprimer la psychologie de l’artiste, ses sentiments personnels et croyances personnelles, voire sa vision purement individuelle de l’univers. Et l’art ne pourra, en définitive, attirer que l’auteur même de ces expressions, ou celui qui partage les mêmes fantaisies et expériences que lui. A rebours, l’utilisation des mathématiques est la rébellion de Vernet contre l' »expression » et l' »interprétation ». Il refuse toute métaphore picturale ambiguë et recherche une singularité de sens, traduisant une série de mots mathématiques rationnels en diagrammes, de sorte que l’œuvre ne peut être lue que dans une dimension mathématique. Aucun autre contexte, qu’il soit philosophique, religieux ou sociologique, ne peut produire de sens.
De cette manière, la univocité des mathématiques est introduite dans un domaine dans lequel elle n’aurait pu être efficace. Face à un autre langage, les lois établies de l’art échouent, le diagramme lui-même n’est ni expressif, ni traditionnellement esthétique. Toute tentative d’interprétation sera tournée en dérision et concèdera, en définitive, l’échec. Comme dans un jeu univoque, il suffit de regarder l’image et de suivre le schéma, pour aboutir enfin à l’unique sortie.
Bernar Venet, né en 1941 dans les Alpes-de-Haute-Provence (France), vit et travaille à New York (Etats-Unis) et au Muy (France). Figurant parmi les artistes français les plus influents à ce jour, il a participé à plus de 30 expositions et projets de sculpture publique dans le monde entier. Il a reçu plusieurs prix et distinctions, dont le Prix de l’Art de la Ville de Paris, le titre de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur et le Life time Achievement Award du Centre International de Sculpture en 2016.
Date de publication: 1 octobre 2021